Les conscrits...
Il fallait que je précise...
Autrefois réservée aux hommes convoqués pour accomplir
leur service militaire, cette journée était consacrée à faire la fête
entre jeunes qui auraient l'âge de la conscription
dans l'année (18, 19 ou 20 ans,
selon les décisions de l'état ou le besoin en cas de conflit).
Elle a par la suite concerné les hommes dont les années
de naissance se terminaient par le même chiffre
que celui de l'année en cours.
Ainsi on avait les 20 ans (*) , les 30 ans, les 40 ans, les 50...
et ainsi de suite de 10 en 10, participaient à ce jour fêté
dans chaque village, et dont le programme se déroulait
suivant un rite séculaire.
On commençait par une distribution de brioche portée au
domicile de chaque villageois (la brioche des conscrits), et
je me souviens de l'arrivée de ces jeunes hommes en goguette
chez ma grand mère, ils chantaient et avaient des trompes de tacots
sur leurs camionnettes, on les entendait de loin...
chaque villageois donnait un peu d'argent (ce qu'il voulait),
et l'obole constituait le pécule pour financer leurs chapeaux et cocardes ;
ensuite tout le monde se retrouvait à la messe.
Si, si, même les non croyants, ils avaient tous une bonne raison
pour aller quémander une bénédiction...
S'en suivait la photo, le défilé dans les rues du village
accompagné de la fanfare,
l'apéritif auquel tous les villageois ayant suivi le cortège sont conviés,
puis, vers 15 h / 15 h30 les conscrits attaquaient le banquet,
qui dans le temps, était pantagruélique
et avait l'art de se terminer au petit matin,
entrecoupé de danses au rythme de la fanfare,
de farandoles au son du fifre et du tambour...
et chacun se faisait un honneur de danser le rigodon...
(c'était le signe qu'on assumait bien sa décade)
et après la gratinée du petit déjeuner,
on entamait une tournée dans toutes les maisons du village...
C'est encore presque tout comme ça !
Je ne sais pas exactement depuis quand,
mais petit à petit les femmes se sont fait accepter
dans cette manifestation, d'abord en participant au banquet
(les hommes invitaient leur épouse, promise ou copain)
puis les hommes ont accepté leurs conscrites
(enfin, les filles de leur décade)
et enfin les femmes ont adhéré complètement à cette tradition
(certains gars disent encore regretter le temps où ils venaient sans leur moitié...)
Ceci dit, chaque année, nous constatons que la dynamique
des préparatifs est soutenue par les 20 ans filles,
qui bien que poursuivant autant leurs études que les gars,
s'organisent merveilleusement bien... et les gars les apprécient d'autant...
A Villefranche sur Saône, encore aujourd'hui, les classes sont encore
l'apanage des hommes, qui décade par décade,
défilent dans les rues un haut de forme sur la tête,
imitant le déferlement d'une gigantesque vague,
d'où le nom qui perdure dans cette ville : La Vague,
dont Mick Michell a brossé un portrait en acier fixé sur un rond point de la ville
Ce jour là, ne comptez pas traverser la ville en voiture...
Jusqu'aux 50 ans, les groupent sont assez toniques pour aider les jeunes,
mais la tendance s'inverse, quand, comme moi qui suit dans les 60,
la mobilité se réduit, les jeunes viennent nous trouver
pour savoir si on participera ou non à cette journée,
et ils en profitent pour nous apporter la cocarde de notre classe :
moi j'ai eu 20 ans en 1968 !
Il est d'usage que les villageois invitent les jeunes
à un repas pendant la semaine qui suit la journée des conscrits,
car cette semaine là, les 20 ans, parfois des 30 ans,
tournent dans toutes les maisons du village,
accompagnés du tambour et du fifre,
dansant le rigodons le long de la route entre 2 maisons...
Nous avons convenu avec mes jeunes conscrites
que nous recevrons le groupe des 20 ans cet été, après les examens,
et nous pourrons faire une grande paëlla sur la terrasse !
Je vous laisse deviner comment ils terminent la semaine...
Mais ne croyez pas qu'ils soient à terre !
La fête des classes se termine le samedi soir (dimanche matin)
par un bal au cours duquel sont vendues des crêpes faites
par les familles des 20 ans ; ce bénéfice est destiné à financer
les réunions festives que les jeunes organisent sur l'année...
Je croyais que cette tradition était étendue à toute la France.
Je sais qu'elle est très vive dans le beaujolais, mais également répandue
dans toutes les communes du Rhône... un peu comme la vogue.
Peut-être qu'une fête similaire existe dans vos villes ou villages ?